Lovejoyce AMAVI

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Bye Jay Jay

Il faisait déjà froid ce matin ici à Montréal lorsque la nouvelle de ton départ irréversible a fini de glacer cette journée qui commençait à peine. J’ai préféré penser à une rumeur malsaine, mais c’est en égrenant les différents profils de ma timeline que j’ai dû me rendre à l’évidence que notre rendez-vous n’aura pas lieu. Oui nous avions rendez-vous!

Tu ne me connais pas mais pour moi tu étais un parent et j’avais résolu de te rencontrer de ton vivant lorsque la fortune me sourira et que je m’installerai près de ma mère à Agbozume, réalisant ainsi un vieux rêve de m’installer calmement dans cette partie du Togo qui l’était encore à peine quelques années avant ta naissance. En vérité tu serais Togolais n’eût été le partage de notre pays entre la France et le Royaume Uni, au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Cette proximité est l’un des éléments qui fondent notre parenté toi et moi. Mais pas seulement.

Je partage avec toi une certaine notion du pouvoir et de la politique, juste, rigoureuse et sociale, sans avoir encore, ni la force ni le courage qui te déterminaient. Des hommes comme toi, il semble que l’Afrique n’en fait plus, depuis que les premiers exemples ont très vite été assassinés (Sankara, Sylvanus Olympio...) et que toi seul nous restait encore. Dans cette forêt d’arbustes politiques nuisibles et sans hauteur, tu étais le seul baobab qui donnait encore espoir tant ton aura couvrait la mère-continent, l’amer continent.

Apprendre ton décès ajoute à l’amertume de cette terre qui n’a que trop souffert, faisant souffrir également ses fils, par la main même de ces autres fils indignes, Caïn(s), exemples de fourberie et de bas instincts. Quand d’autres faiseurs de coups d’états s’installaient indéfiniment au perchoir en s’enfonçant dans une gabegie héréditaire et une prostitution illimitée en tous points, toi tu as installé un système politique qui ne permettrait pas selon tes dires, au diable même d’en faire mauvais usage. Le respect de tout un continent, bien longtemps après ta présidence et tout au long de ton parcours dénotent de l’impact bienheureux que tu as eu sur cette époque. Notre époque.

Tu me laisses cette impression farouche d’avoir véritablement perdu un proche parent, mais surtout d’être perdu. Qui nous reste-t-il de ta trempe et de ta carrure? À qui nous laisses-tu? Vers qui irions-nous lorsque comme la junte militaire malienne nous nous opposerions à la dictature et que nous aurions besoin de conseils? Pourquoi donc nous faire pleurer en tombant subitement dans la mort et nous laissant ainsi désemparés? Les leçons de ton parcours vaillant, sont dans quelques cœurs attaqués par la peur et la corruption mais combien tiendront et tenteront de faire comme toi, honneur à l’Afrique?

Mais Uncle Jerry, à qui laisses-tu le flambeau d’ABLO pour libérer la terre africaine des mains de la France et de ses préfets malotrus et traitres qui nous dirigent? Je ne sais vraiment pas qui saura nous réconforter parce qu’il faudra qu’il ou elle comprenne l’étendue de notre détresse par l’étendue de ton aura.

Jay Jay Rawlings, personne ne te remplace dans nos cœurs. Ton départ sonne-t-il la fin de l’honneur et de la force rédemptrice en politique africaine? Je ne sais pas qui, ni combien de ceux qui partagent tes photos aujourd’hui suivront le chemin de la vertu que tu as tracé avec force et rigueur. Pour le moment je suis sans voix.

Je t’en aurais voulu d’être parti, si je ne savais pas si bien que les morts ne sont pas morts. On se verra certainement d’une manière ou d’une autre, dans le « Togoland » où ton âme restera pour l’éternité. À bientôt Togbui*.

https://www.youtube.com/watch?v=Y7CV3IL-0ZQ
Les morts ne sont pas morts / Birago Diop
  • Togbui: mot éwé sigifiant Grand-père / Roi / Chef
Tags :
Afrique,Jerry John Rawlings,Politique,Pouvoir,Rawlings

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