Le chagrin est un virus de l’esprit qui remplit le corps d’une toxine dont on semble ne jamais pouvoir se débarrasser. Il vous donne l’impression que de la lave coule dans vos veines et que votre cœur est pressé dans un étau puissant et vos muscles cardiaques se contractent jusqu’au bord de l’explosion. Dans vos poumons l’air arrive peu et pourtant vos narines ne sont pas bouchées. Est-ce la chaleur dans votre cerveau qui vous embrouille la vue ou les larmes qui jaillissent de vos yeux sous l’effet de la peine? Peu importe vous devenez aveugles progressivement parce que l’iris de vos yeux est inondé et de la fumée sort presque de vos oreilles. Et la gorge? Elle est nouée, bloquée, plus rien ne passe. La douleur pour avoir fait passer un millilitre de salive vous décourage à recommencer. Vous avez envie de mourir comme s’il fallait appuyer sur un bouton, arrêter de vivre pour arrêter de souffrir. Une bonne fois pour toutes.
Les jambes pendues dans le vide, l’âme remplie de lassitude, John avait envie de mourir à cet instant, et la solitude de l’endroit le poussait presque à se jeter du haut de la falaise. Ses lèvres marmonnaient un « je n’ai tué personne » comme une litanie incessante, un mantra pour se convaincre de son innocence. Mais personne ne l’écoutait. Il était seul. La faute à Adèle qui a fait basculer sa vie de plénitude au bord du trépas. La beauté est dangereuse, détentrice d’un pouvoir mystique qui vous pousse dans le vide de l’incertitude. Vous croyez avoir trouvé le paradis et voilà ce n’était qu’un mirage. Votre besoin et votre soif d’amour n’en deviennent que plus âpres. S’il n’avait pas été accroché par le regard de la belle Adèle se dit John, il serait en ce moment en voyages d’affaires quelque part en Asie ou en Afrique, à se faire beaucoup plus d’argent qu’il n’en avait déjà. Le voici à se répéter à lui seul qu’il était innocent; mais surtout à se demander s’il ne valait pas mieux mourir. Quelque part au fond de lui pourtant, il espérait l’arrivée rapide de Maître Deauville pour le sauver de lui-même et de son cauchemar.
En recevant pour réponse à son message une localisation géographique, Inès s’inquiéta davantage. Pire quand elle comprit que l’endroit était un bord de falaise, dans un espace inhabité le long de la route. Elle déposa un billet de 50$ sur la table de café devant elle, fit signe au serveur élégant qui l’avait servi et qu’elle contemplait justement depuis un moment pour se changer les idées; et elle se leva. Peut-être allait elle revenir assez vite pour se faire servir un autre café par le même séduisant serveur pensa-t-elle. Depuis la mort de son mari elle avait mis fin à ses espoirs d’amour et n’avait de rapports intimes qu’avec elle-même. Maintenant que les affaires marchent et que les enfants ont grandi elle se dit depuis un moment qu’elle devrait penser un peu à ses émotions et ce jeune homme avait de quoi la contenter au premier regard. Ce qui se passe à Monaco reste à Monaco. Mais qu’à cela ne tienne, elle doit aller voir son client pour savoir ce qui se passait. La bagatelle avec le serveur de l’Hôtel Crillard attendra. Elle pensa à Dominique Strauss-Kahn et lâcha un petit rire discret. En s’asseyant à l’arrière de sa Mercedes elle transféra la position de John à son chauffeur qui installa son téléphone en mode GPS et démarra.
À l’autre bout de la ville, Clément Kitoglou et Aristide Alcagar les deux inspecteurs de la Police criminelle de Monaco, plus connus pour leurs frasques et leurs discussions vives que pour la résolution de crimes, étaient arrivés dans la villa où gisaient les corps des filles du Shakin’s. Une équipe scientifique était sur place et marquait les indices différents trouvés sur le lieu.
- Regarde-moi ce beau bordel Clément! s’esclaffa Aristide en caressant sa bedaine
- Eh ben y a eu une belle partouze avant mon ami, regarde les restes de préservatifs partout!
- Crime passionne! Il faut trouver l’amant de ces deux salopes! Trancha Aristide.
- Pas trop vite mon Titi! Répliqua Clément. Regarde la coke sur la table de chevet, c’est peut être un crime suite à une overdose. Gros délire je te jure!
S’adressant aux agents de la police scientifique Titi s’exclama :
- Alors mes loulous, dites-moi tout ce que vous trouvez d’anormal.
Il tira son collègue Clément par le bras et l’enjoignit de venir avec lui questionner la femme de ménage. Celle-ci sanglotait encore dehors, assise sur une chaise au bord de la piscine.
- Bonjour Madame, je suis l’inspecteur Kitoglou et voici mon collègue l’inspecteur Alcagar. Nous avons quelques questions à vous poser.
- Bonjour Messieurs! répondit la femme de chambre en reniflant et s’essuyant les yeux avec son mouchoir.
Adèle buvait encore son café et réfléchissait à son retour probable à Nice quand elle entendit Lawrence se lever et aller dans la douche. Elle pensa à lui. Avant de retrouver John par surprise dans le club de son cousin, elle avait prévu des choses sans limites avec ce dernier au retour de la soirée. Elle avait prévu de boire, danser et au retour à la maison se laisser aller à plein de choses avec son cousin qui dégageait une intensité qui faisait défaut à John. John n’était pas mauvais du tout, mais elle se dit que Lawrence serait épicé, exotique... On peut bien aimer le calme de bord de plage et avoir envie de l’ambiance chaude d’une boîte de nuit branchée. John c’était un roman d’amour, Lawrence serait certainement un film d’action. Elle avait prévu de se souiller avec lui, de se sentir impropre et punie. Comme un aveu de culpabilité de ce qu’elle avait fait à John en le quittant sans préavis. Et lui, en se trouvant dans cette boîte de nuit hier soir avait tout gâché. Encore!!
C’est à ce moment qu’elle se demanda si elle n’allait pas rejoindre Lawrence sous la douche…
À suivre…
Waoooh! De la classe et du style???
J’ai bien aimé et apprécié la lecture des 11 épisodes de cette nouvelle à suspense. Comment John va-t-il sortir de cet imbroglio??
Vivement la suite… et MERCI LOVEJOYCE?
Merci beaucoup. On va donc continuer à écrire cette nouvelle qui se construit toute seule de fil en aiguille. ?? merci pour vos encouragements
Captivant … hâte de lire la suite