Êtes-vous « woke »? C’est-à-dire éveillés, conscients des inégalités dans le monde et de l’injustice sociale? Êtes-vous capables de débusquer les traces du racisme apparent et parfois camouflé contre les noirs et les arabes? Capables de décrypter les messages subliminaux dans les déclarations publiques des privilégiés de ce monde, ces bourgeois malhonnêtes et manipulateurs qui contrôlent le monde et complotent contre le reste de l’humanité, ces dirigeants et nantis qui ne veulent rien laisser de leurs acquis pour plus d’équité sociale? Êtes-vous debout face aux négligences écologiques de l’empire de la finance? Refusez-vous ces classifications du genre humain qui ne servent que le capitalisme et le patriarcat : hommes, femmes, libres esclaves, riches, pauvres? Dénoncez-vous systématiquement le viol dans les intentions, les propos, les regards, les non-dits et les omissions? Jugez-vous l’histoire à la lumière d’une morale actuelle? Pensez-vous que le féminisme dans toute son ampleur est la meilleure chose qui soit arrivée à l’humanité? Que l’église catholique a instauré trop de limites à ce qui devrait être permis en société et que, dès lors tout doit être permis, du non-binaire à l’écriture inclusive obligatoire? Avez-vous assez de tous ces vieux réactionnaires, boomers, karen, qui veulent continuer à exercer une forme d’autorité sociale complètement obsolète que les jeunes réprouvent? Alors oui, vous faites partie de ce mouvement qui rassemble les gens qui en savent plus que n’importe qui d’autre, qui font des liens et des amalgames les plus inimaginables qui soient tant que ça sert leurs revendications. Ce ne sont pas des adeptes des théories du complot : c’est beaucoup plus que ça. Ils les expliquent, les décryptent, invoquent des sources qui échappent à la vérification scientifique habituelle; justement la science pour les « woke » est entièrement aux ordres de l’oligarchie et de la finance mondiales. Défendre les minorités, leurs identités et leurs droits  est leur mission.

Historiquement c’est un mouvement de réveil des sociétés noires-américaines qui subissaient un racisme institutionnel et qui avaient un défi d’éducation et de pédagogie. Il s’est ensuite répandu à toutes les couches de la société qui se sentaient brimées par un establishment qui se regarde le nombril depuis toujours et, qui perpétue les injustices au nom de sa propre survie. Cet establishment a alors construit une classification des causes sociales qu’il est bon de défendre, et celles autres qui sont moindres, négligeables, dont la réponse n’est pas prioritaire. Baisser les impôts aux grandes fortunes plutôt que bâtir une société équitable pour tous; renforcer les idéologies dominantes dans les médias, plutôt que d’écouter les voix dissidentes qui cherchent justement à réveiller les consciences; banaliser le racisme ordinaire, primaire, systémique, mais faire des choux gras pour des propos équivoques qu’on décortique pour y trouver une coloration « antisémite », le crime par excellence, puisque bien évidemment rien dans l’histoire n’est plus grave que la Shoah. Point Godwin.

Mais alors qu’est-ce que le « wokisme »? C’est le terme utilisé par les tenants de l’ordre actuel, en total mépris de tout ce qui précède. Le wokisme est donc pour eux, un mouvement ridicule porté par les haineux d’un ordre qui fonctionne très bien comme il est, des aigris dénués de valeurs nobles héritées du catholicisme : l’ordre, la foi, la patrie, le mariage etc. Le wokisme c’est l’inquisition moderne, permis par les réseaux sociaux où on accuse d’abord avec acharnement pour ensuite valoriser la posture victimaire. La justice les lois, tout ce sur quoi les sociétés sont fondées, bafoués. Alors l’élite s’insurge, crie à la folie populaire, parle d’effacement et de destruction de ce qui était normal à une certaine époque : la cancel-culture; alors qu’au nom justement de la culture et de l’histoire, on doit conserver les preuves de cette domination qui a bâti le pouvoir de cette élite qui redoute aujourd’hui la guillotine brandie par le wokisme. Alors elle invoque tous les mots excessifs pour dénoncer cet éveil, elle parle de passion destructrice, de terrorisme, d’extrémisme, de gauchisme, de racialisme etc. Pourquoi déboulonner ces pauvres statues quand on se rend compte des péchés de ceux qu’elles représentent? Qu’est-ce que ça fait de continuer à les laisser trôner fièrement dans les universités, les bibliothèques et les lieux publics? Elles sont l’histoire. Circulez, il n’y a rien à voir. Pourquoi ne pas conserver toutes ces œuvres culturelles : livres, films, bandes dessinées, dessins animés etc… peu importe si elles perpétuent une lecture raciste, discriminante et formatent encore la pensée des enfants? L’élite ne cèdera pas à la pression de ces minorités woke, elle ne s’excusera pas, l’autodafé comme au temps de l’inquisition, c’est une aberration. Circulez les woke! Vous n’êtes que des ignorants, des ignares, vous ne savez rien de ce qui est bien, de ce qui est intelligent, vous n’êtes que la masse des gens peu éduqués qui essaiment sur les réseaux sociaux qui vous ont malheureusement donné la parole. Seuls les médias qui vous sont interdits disent la vérité : le politiquement correct. C’est bon comme c’est, on ne remettra pas en question l’équilibre de la société pour redistribuer des privilèges.

Ce que je pense de tout ça :

Être woke, avoir conscience des enjeux de pouvoir dans la société où l’on vit, se méfier de toutes les manipulations qui servent la richesse des uns sur la misère des autres, refuser le maintien d’une perception discriminatoire à travers les livres pédagogiques et les arts de certaines catégories de personnes, réclamer qu’enfin les sociétés impérialistes qui ont détruit l’équilibre du monde et la paix dans les territoires d’autres peuples s'excusent etc. quoi de plus noble? Pourquoi ne pas réparer l’histoire pour repartir sur de bonnes bases? Toutefois, peut-on questionner les méthodes? La limite de l’absurde qu’on dépasse parfois? L’illogisme régulier des stratégies de réclamation?

Et quel est ce culot de la part d’une société qui a effacé, falsifié l’histoire à travers les âges, nettoyé des cultures entières, volé des statues, des monuments, des œuvres d’art, réécrit les pages de l’histoire à leur sauce, mentant effrontément et s’appropriant les actes d’autres peuples pour construire leur storytelling, qui s’enveloppe aujourd’hui du drap d’un bien commun pour dénoncer ce qu’ils appellent la cancel-culture, alors que cette dernière ne cherche qu’à corriger leurs affreuses interventions  sur le récit de l’humanité? Ils se sont trouvés une nouvelle cible à détruire dans leurs médias, profitant de leurs faiblesses pour les annihiler, défendant violemment leur bifteck toutes dents dehors. Leurs défenseurs circulent d’une émission télé à l’autre, à la radio, dans la presse, et même des livres, on les entend éructer leurs pensées nauséeuses et suffocantes sur un supposé complot contre eux et leurs privilèges. Les censeurs professionnels crient à la censure, les négationnistes historiques de l’Égypte, crient à la malversation de l’histoire, ils enterrent leurs contradicteurs sous des postillons de fausses vérités et des hallalis vindicatifs et revanchards qui dénoncent un « éveil » pourtant utile pour nos sociétés fracturées.

Le wokisme est la preuve de cette société brisée, où les hommes ne naissent pas égaux comme le clament les textes. Cet affrontement d’idées est le germe inévitable d’un affrontement des hommes, comme on le voit déjà dans les manifestations. Cette violence, sans la défendre ni la justifier, est en écho à la violence de l’injustice sociale imposée comme norme; et ce n’est qu’un constat. On peut l’éviter, on peut encore réparer ce qui doit l’être.

Et c’est à ceux qui se sont endormis dans les privilèges indus grâce aux limbes du statu quo de se réveiller.

Enfin.