J'entends le silence au bout de ma pipe, que je fume au soleil, les rayons brûlants sur mes jambes et les poils hérissés. Dans cette lumière rendue fugace par les traits de fumée du tabac qui se consume dans le bois de ma pipe, exhalant le doux parfum de l'herbe séchée et le goût acre sur ma langue, je vois des détails ignorés sur ma peau qui se réchauffe.
Ces détails me parlent.
Ces millions de points noirs qui me servent de pores et font respirer mon corps me rappellent les détails ignorés de ma vie qui ont fait ce que je suis. De ces millions de gens que j'ai croisés sans toujours m'en rendre compte, dans les espaces traversés les endroits fréquentés, les paysages survolés ou croisés à travers les vitres d'une voiture, ces endroits où planent toujours l'âme du souvenir de tous les passants qui les ont arpentés...
De ces millions de gens qui ont fait qui je suis sans eux-mêmes s'en rendre compte parfois...
Il a fallu que j'y pense ce matin, que je visualise mon trajet dans la fumée de ma pipe, comme dans une funeste invocation, une sordide incantation qui fait penser, réfléchir et pâlir.
Et ce goût âpre d'inachevé qui me reste sur la langue et au travers de la gorge.
Dans le soleil et le silence j'ai vu passer ma vie comme un film qui tourne, réel cinéma des frères Lumière; auguste serais-je, si luire j'avais pu.
Lovejoyce - 27 Mars 2019: - j'ai retrouvé ce texte dans mes archives ;) -