Lovejoyce AMAVI

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Je n’ai pas les mots

Les mots sont l’exutoire de la pensée, parfois profonde. Ils portent le sens de ce qu’on éprouve sans être toujours capables de tout transmettre. L’ineffable : ce qui ne peut se raconter. Ce qui nous emporte parfois tant et si bien, sinon si mal, que nous ne savons pas le décrire et l’expliquer. Les mots sont alors impuissants à dire ce qu’on ressent ; avec quand même une différence. La joie profonde s’exprime avec une profusion de mots synonymes, un déluge de termes avec l’emphase du bonheur et l’exagération qui va avec. La douleur profonde s’exprime elle, dans un lourd silence assourdissant avec ce poids dans la gorge qui empêche toute prise de parole aisée.

Je n’ai pas les mots pour justifier l’assassinat d’enfants. Je ne sais pas comment vous arrivez à invoquer le stress, la colère et même le chagrin ou encore la détresse, pour tenter d’expliquer ce crime indéfinissable. Il n’y a pas de mots pour l’expliquer, aucune raison pour le justifier. Nous n’avons même pas de mots pour le condamner comme on devrait. On ne tue pas. On ne tue rien ! On ne tue pas ses semblables, on ne tue définitivement pas des enfants. On ne se tue même pas ! La vie qui se loge en nous et nous fait mouvoir, nous n’en avons aucune propriété, parce que rien n’explique d’où elle vient. Quel orgueil et quel culot de chercher à en user à notre guise !

Je n’ai pas les mots pour justifier la violence quelle qu’elle soit. La violence envers les hommes et les femmes qui nous côtoient. Que cette violence soit verbale ou physique, morale ou intellectuelle, toute violence est incompatible avec la vie ensemble sur cette planète. Elle ne détruit pas que la victime, elle détruit son auteur, en lui enlevant toute humanité, toute dignité humaine. Elle ne se justifie donc pas.

Les maux du modernisme sont nombreux : ils sont le fondement de cette violence innommable. Individualiser l’être humain qui est fondamentalement social, le déshumaniser entièrement pour n’en faire qu’un contribuable et un consommateur, réduire son projet de vie à l’accumulation, tuer dans la société le vivre ensemble pour n’instaurer que le consommer ensemble, si ce n’est d’en faire un ring de compétition entre les uns et les autres. Le modernisme nous enlève ce filet de sécurité qui nous fait savoir que les autres sont là, pas loin, que rien n’est éternel, que la solidarité est encore et toujours possible.

Je n’ai pas les mots pour pardonner à un père qui s’est suicidé, l’assassinat de ses propres enfants. Je ne sais pas comment le faire. Il me fait préférer un père violent à un père assassin et c’est impossible pour moi.  Sans ôter la vie à l’enfant, la violence parentale lui ôte le goût à la vie et c’est déjà assez grave. Son acte n’est guère isolé, car il emporte toute la communauté, ses collègues, ses voisins, ses compatriotes etc… Il s’est tristement illustré dans un acte de lâcheté qui réveille tous les souvenirs transcendés et qui réactive toutes les blessures guéries.

Et comme toutes les douleurs, malgré combien de fois on en parle, grâce aux réseaux sociaux notamment, cette histoire va s’emmurer dans un silence intense avec toutes les émotions qu’elle suscite, toutes nos incertitudes qu’elle renforce… malheureusement avec toute la fragilité qui caractérise notre communauté.

Peut-on en parler ? Se questionner sur ces compétitions inutiles qui nous éloignent des gens au point qu’on ne puisse partager nos douleurs et nos drames quand il le faut ? Peut-on cesser de nous battre les uns avec les autres pour des futilités au point de nous isoler les uns d’avec les autres? Il a peut-être manqué à ce père devenu ignoble, un ami, un frère, un voisin, un collègue, pour l’écouter, lui parler, courir vers lui pour le soulager. Quelle est notre responsabilité dans ce drame en fin de compte ?

Sachons placer des mots, sur les maux qui nous gangrènent. Sachons compter sur la présence de quelqu’un, peu importe combien on peut ne pas s’entendre sur certains sujets. Beaucoup s’en remettent à Dieu et ce n’est pas plus mal. Comment oublient-ils par contre que Dieu c’est souvent quelqu’un qui n’est pas loin. Le fils de Dieu aurait pu confier sa mère à un ange, notamment celui qui lui a annoncé qu’elle l’enfanterait : Gabriel. Mais il a choisi son disciple Jean, fils de Zébédée. Il aurait pu dire à ses disciples de retourner vaquer à leurs occupations. Mais il a dit : « aimez-vous les uns les autres », pas « likez-vous les uns les autres sur les réseaux sociaux ».

Je n’ai pas davantage de mots pour dire ma pensée, ma compassion pour cette mère dévastée, dont la souffrance est indescriptible, emprisonnée aujourd’hui et à tout jamais dans la douleur. Je ne suis même pas capable de la comprendre, je ne suis pas dans sa situation, je ne peux vraiment que l’imaginer et l’observer d’ailleurs de loin. J’espère m’être expurgé un peu, de toutes ces pensées sombres qui m’habitent depuis et finissent par m’affecter, sans que je ne l'avoue vraiment aisément.

Pauvres enfants. Reposez-en paix. Pauvre monsieur, j’espère pour toi que l’enfer existe.

Tags :
blog,opinion,pensées,Togo

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