Laissez-moi ouvrir ce billet par ces quelques citations qui sont meilleurs reflets de ce que je m'en vais vous dire en ce 11 Février 2015.
"Les vérités qu'on aime le moins à entendre sont souvent celles qu'il importe le plus de savoir."
Jean-Baptiste Massillon (1742)
"Annoncer des vérités, proposer quelque chose d'utile aux hommes, c'est une recette sûre pour être persécuté."
Voltaire (1738)
"La vérité est comme le soleil : une éclipse peut l'obscurcir, mais elle ne saurait l'éteindre."
Stanislas Leszczynsky (1764)
Le paradoxe de la vérité
Toute vérité n’est pas bonne à dire. Même s’il est dit aussi, que nous devrions connaître la vérité afin qu’elle nous affranchisse (Jean 8,32), dans la vie de tous les jours la vérité n’a pas toujours bonne presse. Lorsque les esprits qui doivent l’accepter, sont fermés pour causes de frustration, de déception et de ras-le-bol, vous aurez beau l’asséner cette vérité, elle ne les pénétrera pas. Et pourtant ces esprits l’entendent, en voient l’objectivité, en constatent le réalisme, mais la colère et leur « fermétude1» sont telles, que cette vérité leur est juste difficile à admettre.
Le Togo n’échappe pas, force est de le constater, à cette ambiance normale des sociétés humaines, ambiance toute aussi vieille que le monde. C’est d'ailleurs en cela, que la mission de certains, de transcender ces difficultés d’acceptation de la vérité, afin de continuer à la diffuser, est autant ardue. De tous temps, des hommes et des femmes ont accepté d’être parias, mis au ban de la société, pour continuer à dire la vérité : celle qui repose non seulement sur leurs réflexions, mais surtout sur la logique et la réalité.
Aujourd’hui j’ai la prétention de faire partie de ces parias, et je l’assume cette prétention. Cela ne date pas d’aujourd’hui, ce sentiment que j’ai toujours eu, de devoir dire les choses telles qu’elles me semblent, au risque de heurter des sensibilités et d’en subir les conséquences.
Dans le tumulte des émotions il faut toujours un souffle d’objectivité pour tenter d’en apaiser la complexité.
Il n’y a certes, aucune gloire à être paria, aucun bonheur à se sentir exclu, rejeté ; mais le sens de la responsabilité impose un déni du confort personnel et exalte plutôt le sens du sacrifice. Seul le temps et souvent bien longtemps après, apporte une once de réconfort.
Et ce n’est pas Galilée qui me démentirait, ni les nombreux autres comme lui, tant célèbres qu’anonymes.
Ma vérité du jour
La politique togolaise devient de plus en plus mon sujet de prédilection. L’époque s’y prête de toutes les façons, et le contexte actuel encore plus. A la veille des élections présidentielles dans notre pays, il est récurrent de tomber dans des discussions politiques où s’affrontent plus de frustrations que d’idées. 10ans après à la tête du Togo, la question de la légitimité de Faure GNASSINGBE est encore sur la table. Remarque : c’est le seul vrai argument de l’opposition et le seul ingrédient de leur lutte depuis 10ans; et même 15ans plus tôt, c’était la question de la légitimité d’Eyadema GNASSINGBE leur seul argument.
Qui va oser dire un jour la vérité que les successions héréditaires dans certains pays d’Afrique ne sont que les conséquences des situations politiques qui les ont précédées ?
Comment passez-vous vingt années voire plus, à déifier un chef d’Etat, à le rendre incontournable en toutes situations, à inventer des fables, des chansons et des hymnes à sa gloire pour espérer qu’à son décès au pouvoir, quelqu’un d’autre que son fils soit le plus légitime à le remplacer, surtout parce qu’à ce moment précis il s’avère le seul à garantir l’unité et la stabilité au sein même du pouvoir? Des exemples ? TOGO, GABON, RD CONGO et prochainement GUINÉE EQUATORIALE.
Et comme au Gabon et en Guinée Equatoriale, au Togo ce n’était pas comme si personne ne savait que c’est ce qui se préparait. Oui tout le monde savait. Faure GNASSINGBE dès son retour des Etats-Unis avait été programmé pour succéder à son père et c’était un secret de polichinelle. Il a été préparé et impliqué dans la gestion du pays bien avant le décès de son père.Et donc tout le monde s’attendait un peu à le voir succéder à EYADEMA. Mais quand cela s’est passé et qu’il a fallu se joindre à l’indignation populaire l’amnésie est devenue collégiale.
L’idée n’est surtout pas de défendre ce genre de succession que tout bon sens réprouverait dans une république, sans dénier surtout le droit à quiconque, « fils de », de prétendre à la magistrature suprême.
L’idée est de dire que ce n’était en rien une surprise pour personne au Togo, et qu’en l’occurrence le traitement particulier fait à EYADEMA ne pouvait qu’aboutir à ce genre de situation. A la disparition d’un chef d’Etat, tel qu’EYADEMA l’a été, il faut avoir été désigné par lui et susciter l’adhésion naturelle de toutes les forces en présence au sein du pouvoir, pour lui succéder et garantir une certaine tranquillité à tous. La preuve de ce souci de stabilité est évidemment le quitus et les divers appuis donnés aussitôt par la communauté internationale au lendemain des élections d’Avril 2005, et ce malgré les irrégularités et les situations déplorables d’alors.
Dois-je rappeler qu’en politique il est courant d’être fils naturel ou supposé, d’illustres personnages pour se donner une certaine légitimité ? Quand Sarkozy se réclamait Gaulliste (De Gaulle), François Hollande de François Mitterand, H.K. BEDIE de Félix HOUPHOUET-BOIGNY et même Allasane OUATTARA qui le lui disputait ? Et quand Gilchrist Olympio fils de Sylvanus OLYMPIO voulut accéder au pouvoir, quand aujourd’hui Jean-Pierre FABRE et Alberto OLYMPIO lui disputent l’héritage politique de son père, quand Agbéyomé KODJO disait qu’il était lui, le dauphin naturel d’EYADEMA en lieu et place de Faure GNASSINGBE, quand Georges Walker BUSH arrivait au pouvoir avec l’appui et la bénédiction de son père Georges BUSH ex président des USA, et Nicolas MADURO au Venezuela qui clame haut et fort l’héritage d’Hugo CHAVEZ, et les frères CASTRO au CUBA, Bachar El Assad en Syrie… la liste est longue et elle se justifie par le nécessaire socle de légitimité que doivent se construire tous les prétendants à la direction des peuples.
Le mérite de FAURE
Après Avril 2005, le mérite du Président Faure GNASSINGBE est d’avoir activement cherché la pacification du climat politique au Togo. Il est d’ailleurs étonnant qu’on se refuse de lui admettre ce mérite si patent. Le choix d’Edem KODJO comme premier Ministre allait dans ce sens, celui d’ouvrir le jeu politique et ne pas l’enfermer sur son camp politique au risque de renforcer les clivages. La réussite de l’Accord Politique Global et le choix de Yawovi AGBOYIBO comme Premier Ministre pour l’organisation des législatives de 2007 étaient signes d’ouverture également. Mieux encore, le choix d’un non-politique en la personne de Gilbert HOUNGBO malgré la majorité à l’Assemblée Nationale qui était celle de son parti politique d’alors le RPT, était encore une marque de sa volonté d’apaisement du climat politique. D’ailleurs le Premier Ministre Arthème AHOOMEY-ZUNU actuel n’est-il pas issu des rangs de l’Opposition ? Et le Vice-Président du Parti au Pouvoir (UNIR) Georges Aïdam ?
Dans d’autres pays qui connaissent des situations similaires il est plutôt observé un renforcement des positionnements partisans. Cela n’est pas la méthode de Faure GNASSINGBE. La preuve de son ouverture politique est là.
Mais Oh que oui il reste des choses à faire. Énormément de choses à faire. Des avancements notables sont pourtant à relever mais l’aveuglement ambiant sur fond de frustrations certes légitimes, ne permet pas de porter ce regard réaliste sur le Togo d’aujourd’hui, en ayant en lumière celui où nous étions avant un certain 05 Février 2005.
Si je comprends bien ces frustrations parce que j’en partage les raisons comme tous les Togolais, je voudrais ne pas les exacerber en essayant de faire feu de tout bois pour alimenter une certaine colère qui ne réussira au final qu’à créer des situations regrettables. Je me focalise sur où nous allons et je nous exhorte à nous concentrer sur cela au lieu de nous distraire à ressasser les rengaines d’une opposition qui échoue déjà si bien à se construire une existence qui soit forte de propositions et d’actions concrètes pour le bien-être des togolais.
- Quand ils disent non à un troisième mandat de Faure GNASSINGBE, posons-leur la question : « alors un premier mandat pour qui ? » pour les voir se chamailler et se battre entre eux, et pour nous de comprendre que pour notre pays la barre est bien tenue même si la mer où nous voguons n'est pas paisible, que le chemin pour arriver à bon port est long, et de faire confiance à notre actuel capitaine qui s'en sort assez bien. Irruption de métaphores maritimes.
- Quand ils disent 50 ans d’une même famille politique c’est trop, demandons leur des comptes des 25ans ans de leur lutte depuis le 05 Octobre 1990 et de ce qu’ils ont fait les vingt-cinq ans d’avant. Ils font bel et bien partie de ceux (avec nos parents) qui ont encensé et élevé EYADEMA au rang de divinité en lui chantant des animations et en concédant tous les privilèges de l’actuelle classe dirigeante. Aujourd'hui il faut leur dire qu’a contrario c’est FAURE qui essaie de nettoyer ce passé complexe du Togo en soufflant un vent nouveau avec des pratiques nouvelles. Tout n’est certes pas rose, mais nous ne lui demanderons pas non plus de scier la branche sur laquelle il est assis et il nous importe plus d'avancer que de remuer sans cesse de vieux démons en nous alignant pour des combats qui ne sont pas les nôtres. Sachez-le: le changement c’est Faure qui l’incarne le mieux aujourd’hui, à l’inverse de ceux qui pourtant le réclament.
Les attentes sont nombreuses
Nous devons, surtout en tant que citoyens, rester mobilisés pour le bien de notre patrie et réclamer que l’action de l’Etat soit sans cesse orientée vers le bien-être commun. Les défis qui attendent le Président sont si nombreux que nous devons l’encourager à s’y atteler, tout en gardant à l’esprit que certaines frustrations doivent être résorbées.
- S’éterniser au pouvoir ne doit pas devenir la règle : il faut limiter les mandats présidentiels. L’alternance est aussi un gage de stabilité dans une république et encore mieux en démocratie.
- La méritocratie n’est pas facultative elle est obligatoire : Ce n’est que lorsque que les ressources compétentes seraient aux responsabilités que la machine fonctionnera le mieux ; d’ailleurs cela le Président Faure l’a compris et il n’hésite pas à importer des compétences de partout. Mais il reste un fort travail d’adéquation de ces compétences importées, et un vaste chantier d’implication d’une administration dépassée, aux pratiques révolues.
Rome ne s’est pas fait en un jour, on garde espoir.
- La question de la punition doit finalement être posée : parce que rien ni même la paix politique, ne justifie que des responsabilités connues ne soient pas versées à la justice pour punition méritée, ne serait-ce que pour dissuader les éventuels contrevenants qui se verraient encouragés par le silence d’Etat.
- Le défi du développement inclusif est incontournable : parce que les différentes couches vulnérables de la société voudraient pouvoir vivre dans un pays où leurs besoins primaires seraient satisfaits et c’est bien possible à moyen terme. Il faut mobiliser plus de forces, d’actions et de budgets.
- La sensibilisation pour la mobilisation de tous les citoyens passe nécessairement par une bonne communication sur l'action de l'Etat : et ce n’est guère pour prêcher pour ma paroisse. Je suis communicant de métier et le reproche nous est souvent fait de vouloir communiquer pour tout et en tout, jusqu’à ce que le constat de l’utilité irrévocable d’une communication bien construite est fait, et des fois tard et le mal est assez profond...
Je voudrais finir ce billet qui s’éternise d’ailleurs, en disant que la vérité n’est pas toujours de dire ce qui recueille l’assentiment du plus grand nombre. Il faut des fois dire ce qui fait mal à l’oreille d’autrui, qui bouscule ses sensibilités, mais qui pourtant doit être dit, pour créer un meilleur changement.
Absit reverentia vero 2
1- « Fermétude » : état de ce qui est fermé (néologisme)
2- « Absit reverentia vero » : ne craignons pas de dire la vérité (locution latine)
Absit reverentia vero.
Merci pour cette belle vérité….
Ces frustrations que tu as évoqué, un samedi à 01h du mat et que tu couches si bien ici le soir à 19h ? j’achète ! lol
l’initiative est bonne.
le fond y est aussi et je te félicite cependant ne penses tu pas que :
1- si nos parents adulaient feu le père, n’étaient ils pas un peu obligés?? si j’ai bonne mémoire sous feu le père c’était bien de la dictature dont il s’agissait!!
2- parlant de l’opposition qui ne se préoccupe que de la légitimité des « occupants » qui de toute façon n’ont pas été élu démocratiquement, je pense que c’est un faux problème d’autant plus que les manigances pour empêcher Gilchrist Olympio à l’approche des élections sont connus de tous, les intimidations du régime en place du temps du père quand il s’agit de politique à son encontre, ça aussi on le sait tous. Aussi voyez vous dans une dictature malheureusement on ne peut reprocher grand chose aux opposants puisque de toutes les façons ils n’ont aucune marge de manoeuvre, quand on sait que les plus farouches finissent par rentrer dans les rangs.
3- Edem Kodjo est de quel bord? j’aimerai bien le savoir?? pour être sur qu’en le prenant comme 1er ministre il s’agissait bien d’une décision de rassemblement et d’ouverture au dialogue.
4- sur la question du pouvoir suprême quelle influence un premier ministre peut il avoir sur le pouvoir en place? une fois nommé se rappelle t il même appartenir à un parti politique afin de mettre d’insuffler leur idéologie à la politique du pays?
5-un premier mandat pour qui? n’est pas la question mais avec qui le changement démocratique commencera t-il?????????
c’est cela qui inquiète, s’il refuse de « normaliser les choses » pourquoi lui accorder le bénéfice du doute? d’autant plus qu’il n’a pas été élu démocratiquement? d’autant plus que sous lui des sociétés d’Etat comme TGTLCOM, Chambre du commerce et que sais je encore…. ont fais faillite? je t’arrête avant même que tu ne soupire parce que oui si tu lui trouves des points forts sache que des bas il en a plus mais ce n est pas ce qui nous intéresse! nous sommes d’accord.
6- a voir vos interventions que ce soit ton post ou les jeunes leaders on sent que vous voulez plaire au président, mais j’ose croire que je me trompe, que comme la plupart vous prônez un Togo plus démocratique et plus politiquement correct.
NB: la liberté de la presse a évolué avec l’accession de Faure au pouvoir, ceci est un point essentiel à soulever et à intégrer à ton article. il me semble que du temps du père on ne serait pas là à écrire ces mots.
Excellente analyse qui devra être lu et relu par chacun et tous de sorte à s’y regarder comme dans un miroir. Félicitations.
C’est un sport, enfin c’est comme cela que je considère leur politique là.
Que quelqu’un se dope, se drogue ou qu’il use de ruse pour arriver au pouvoir ce n’est pas mon problème premier.
Ce qui est important à mes yeux, c’est qu’on arrive à concéder à celui qui mérite ce qu’il mérite. Et donc qu’il soit Faure ou Fabre, il ne donnera jamais de la manne; qu’il soit Abass ou Alberto, il ne laissera en aucun cas son enfant chaumer et venir me prendre. Donc leur politique-là ne doit pas être un échiquier et moi un ouvrier.
L’histoire humaine me désole et je me demande pourquoi on s’entête à perpétuer cette existence.