Je suis un enfant de l'abandon. L'inverse de l'enfant prodigue qui abandonne les siens. Je suis né seul. Abandon de la mère. Père absent. Abandon des amis, abandon des femmes, abandon de collègues, de camarades, des gens avec lesquels pourtant on s'était promis de grandir et de construire ensemble, abandon d'une nation pour laquelle je voulais tout le bien, abandon ici et là.
Mais mon abandon n'était peut-être pas la faute des autres. C'est sans doute tout juste un sentiment intime que j'éprouve, une sorte d'individualité, de différence des autres mais sans indifférence d'aucune sorte; parce que les autres m'intéressent et je suis prêt à tout pour eux, l'empathie dit-on. Alors se sentir seul est souvent ma seule façon d'être moi, dans un univers que personne ne comprenait assez bien pour être là pour moi comme j'avais l'impression d'en avoir besoin. Alors ils s'en vont, m'en veulent, me détestent. Pourtant je reste là je cherche les raisons de ces départs sans pouvoir comprendre. Alors je chante cette chanson que j'aime depuis mes sept ans :
"sur un bateau de cristal je vais m'en aller,
vivre au milieu des étoiles retrouver la paix."
Je n'écris pas ce matin, en plus sur ce réseau devenu presque malsain en dehors de quelques rares exceptions, pour me plaindre ou pour évacuer quelques remords. Je n'escompte même pas trouver ici un quelconque exutoire de je ne sais quoi. J'écris parce qu'au-delà de l'intimité de mon discours que d'ordinaire je n'aurais guère partagé ici, je pense qu'il est important par l'exemple de soi, surtout, d'édifier les gens autour de nous, que nous les connaissions réellement ou pas.
Oui je me suis rendu compte que je me sais abandonné par tous, par surtout ces rêves perdus, ces expectations qui ne se déroulent jamais comme on le voudrait. Mais Guess what? je suis résilient. A force! Et je n'abandonne jamais. Je crois toujours que je peux traverser la difficulté en face de moi en y travaillant comme il faut. J'ai vécu seul avec mon père et j'en ai vu de toutes les couleurs avec, j'ai vécu seul sans personne et j'ai plusieurs fois vu des murs s'ériger en face de moi à chaque fois que je poursuivais un rêve, un idéal. Sur le plan professionnel ou personnel. Je les ai franchis l'un après l'autre. Quand il n'y avait pas de possibilité d'aller à l'école j'ai appris sur le tas, quand il n'y avait pas de travail, je faisais tous les boulots que je trouvais.
Les murs les plus difficiles ne sont pas ceux que l'on pense mes amis: la difficulté professionnelle, amoureuse, la trahison ou même la persécution motivée par la haine ou la jalousie. Les murs les plus difficiles pour moi sont ceux qui portent le noms de mes enfants. Comprendre qu'en ayant confiance qu'ils iront bien sans moi, partir pour mieux les aimer demain, quand plus grands, il faudra plus de disponibilité pour leur faciliter la vie, ce dont nous, nous avons manqué terriblement.
Si je n'abandonne pas c'est pour mes enfants, pour tous les enfants de demain. Ceux pour qui il faudra nécessairement construire un monde plus juste, plus équitable; un monde où ils pourront espérer et vivre sans les contraintes actuelles, un monde où la vie a de la valeur peu importe quel type de vie. Que ce soit pour le Togo, construire un pays avec plus de justice sociale et d'espérance, ou pour ailleurs partout ailleurs, construire des sociétés où chaque vulnérabilité est traquée et résorbée.
Si je n'abandonne pas, ce n'est pas parce que je suis fort ou parce que je bénéficie de l'appui d'un groupe, d'une famille, une église ou même d'un esprit saint. C'est à cause de cette voix au plus profond de moi qui me dit "ne crains rien tu vas y arriver". Cette voix qui me fait sourire lorsqu'on se moque de moi ou que l'on essaie de me convaincre de tout laisser, que c'est peine perdue.
C'est en donnant un fort écho à cette voix intérieure que justement on trouve la voie vers les appuis extérieurs : la chance, la rencontre, l'intégration dans une famille, un groupe, une église, un cercle, la rencontre avec cet Esprit Saint justement qui illuminera le reste de notre chemin. Chaque jour moi je l'entends cette voix, chaque soir, chaque nuit.
Au plus profond du puits où Joseph se trouvait abandonné par ses frères, au plus profond de la prison où il s'est trouvé en Egypte, abandonné par ses proches il avait en lui cette lumière qui éclairait sa solitude; au point d'éclairer ceux qui se sont retrouvés là avec lui.... Jusqu'au jour de sa délivrance.
Cette lumière je l'ai et rien ni personne ne saurait l'éteindre. Elle est cette flamme figée aux mains de la dame de notre monument de l'indépendance, ou encore celle que brandit face aux voyageurs des mers lointaines, la statue de la liberté à New-York. Ce n'est absolument pas un hasard si l'indépendance et la liberté sont symbolisées par des porteuses de lumière.
La conscience que nous avons de notre défi d'indépendance et de notre droit inaliénable de liberté alimente la lumière au fond de nous qui nous réchauffe lorsque seul, abandonné de tous, quand on peut aisément se laisser à croire que tout est perdu, comme des ressuscités on se lève de la mort qu'on nous prête, et on repart avec de nouveaux défis, les yeux rivés sur l'objectif. Comme on le dit souvent : ils nous ont enterrés mais ils ne savaient pas que nous étions des graines. J'ajoute qu'ils ne savent pas que nous sommes des graines qui germent peu importe le sol où elles sont enterrées.
Lorsque les israélites étaient mordus par les serpents dans le désert, Dieu n'a pas anéanti les serpents; il les a laissés se faire mordre et leur a demandé de fixer leurs regards sur le serpent érigé sur le bois par son prophète. Et alors lorsque mordus, ils étaient guéris.
Les serpents dans nos déserts n'arrêteront pas de nous mordre. C'est leur rôle ils ont choisi d'être serpents nuisibles plutôt que serpent sur le bois du prophète. Ce n'est pas le même type de serpent. Le serpent du bois est celui de la connaissance: le Caducée. Ce serpent est symbole de médecine, de pharmacie, illustres domaines de la connaissance, où l'on va chercher la guérison.
Alors gardons nos yeux fixés sur l'objectif. Contentons-nous juste d'avancer. Lorsque nous sortirons du désert, les serpents qui nous mordaient eux, resteront dans le désert.
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