L'ermite s'en va, auréolé de sa tristesse de quitter sa terre et les siens. Il cherche la paix et cela se mérite. Il a creusé longtemps son champ dans le désert, sans arriver à faire pousser le moindre arbuste et, excédé de transpirer et de se fatiguer sans pluie ou faveurs apparentes du sol, il décida de partir sans rien d'autre qu'un pagne blanc noué à la taille et le souci de réussir enfin, comme seul bagage. Pieds nus, il traverse l'étendue de sable chaud le coeur palpitant, et le courage d'un bédouin persuadé que tôt ou tard l'oasis serait au bout, tout au moins pour un repos mérité, et pour étancher la sensation rêche d'une gorge assoiffée.
L'ermite s'en va, au-delà des peines et souffrances, subies comme une punition d'une normalité presqu'excessive. Son esprit lui parle des anges qui le protègent et le secourent, ses yeux contemplent l'échec et la misère de sa vie, et de ce fait la peine causée à ceux qui lui sont proches. Le sourire de ses enfants n'efface pas la triste musique de la complainte langoureuse et douloureuse de sa fiancée, il la voit périr à petit feu et flétrir une beauté jadis resplendissante, de lumière et d'éclat. Le sentiment pour l'ermite, d'avoir abandonné ceux qui lui sont chers, et de détourner le regard de ses enfants, qui ne lui demandent que présence et attention. Obnubilé par sa volonté de leur donner le meilleur, il a fini par ne plus donner le moindre. De cette obsession du meilleur et du tout, il tire l'énergie et le sursaut qui l'envoient aujourd'hui sur les traces du sacré, aux confins du monde, loin de la terre qui l'a vu grandir.
L'ermite s'en va, loin du triomphalisme rageant de ceux qui, croient l'avoir détruit par leurs combines traîtresses et les malversations déshonorantes, qui ne sont le fruit que d'esprits pauvres et obscurcis. Il faut juste admettre que, pour lui, aujourd'hui encore plus qu'hier, le pouvoir et l'appât du gain ne sont rien et ne sont pas plus source de profits, qu'ils ne sont générateurs de solitude infinie et de mal - être intime. Ne le savent que ceux qui ont la grâce d'entendre le monde en vie autour d'eux, ceux qui ont la chance de savoir au-dela de toutes considérations que la vie finit, dans le dénuement complet et qu'au delà, les possessions obtenues ici bas ne valent pas l'attention inconsidérée qu'on leur accorde.
Dans son périple, l'ermite a peur, piégé dans une voie sans retour et sans détours, un chemin où le vice côtoie la vertu, où la tentation exalte le désir de mourir, mourir pour n'être soumis à aucune des attractions, sans doute soulagé de la responsabilité qui lui incombe.
Dans son périple, l'ermite espère: des vents cléments, de bienheureux génies, anges et fées, sorcières et mages. Il sait ce voyage ultime, le dernier souffle d'un l'animal blessé. Si les voies de la paix et la tranquillité ne s'ouvrent pas pour lui, voyageur du dernier recours, il se saura voué à se contempler impuissant et à s'en remettre au bon vouloir de ses détracteurs, prisonnier des sortilèges et des persécutions. Il sait que sa fiancée partira, il devra la laisser partir, emmenant sans doute deux de ses princesses. Il sait qu'il devra désormais encore plus s'enfuir loin de sa princesse aînée, pour ne pas continuer à la voir ainsi, sourire malgré tout d'un espoir vivace, elle que la vie semble avoir blessée dès la naissance et qui égrène de petites prières chaque fois, pour un jour paraître normale.
Il sait que le monde va s'effondrer.
Ne s'effrite-t-il pas déjà bien assez?
Qu'en reste-t-il d'ailleurs si ce n'est le filet d'espoir auquel impuissant il s'accroche?
L'ermite s'en va, loin dans un labyrinthe immense. Il croise des mouvements sans y voir de vie. Il éprouve la douleur sans en voir les séquelles, la vitesse sans y voir de mouvement, course déchaînée pour se libérer des chaînes, épreuves d'un monde qui'innonde des flots de larmes sans cesse.
Stress permanent et maux de coeur, faim d'un monde de rêves, fin d'un monde sans trêve.
Et ces mots qui coulent de lui comme d'une source intarissable, dans un geyser d'émotions qui finalement ne touchent personne.
Vivre est - ce cela?
Regarder, désirer, et voir partir?
Espérer, programmer et laisser aller?
Foi, volonté et déceptions?
Peut-être n'est - il pas de ce monde?
Est- il venu alors avec les siens y purger une peine certaine?
Serait-il banni d'un paradis dont les souvenirs le tourmentent à souhait?
L'ermite s'en va, auréolé de promesses, que la nuit emporte chaque soir, avec l'espoir faible désormais, qu'au matin le soleil se lève avec les réponses attendues.
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Châtelet. Paris. France. 5 Août 2016. #Lovejoyce
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