Il est impossible à l’homme « moderne » de changer. Les outils du changement résident dans la tradition et les valeurs du passé. Dans sa marche inexorable vers « l’individu seul contre tous » et « l’individu au-dessus de tous », la société a combattu les forces du changement et a certainement gagné cette bataille. Plus question aujourd’hui de dire ce qu’il faut, et pire, de chercher à faire ce qu’il faut, sans subir le rejet de la société. Ceux qui changent sont des ermites perdus dans des grottes, où ils rencontrent d’autres énergies que celles de la consommation et de l’accumulation effrénées.

La terre est devenue le paradis de l’homme de chair qui engloutit sans se rassasier, conquiert sans se reposer, avance tête baissée sans se relever. Les peuples jadis, étaient mus par une énergie qui n’était pas plombée par l’attraction terrestre : celle de l’âme. Alors pour les Éwés et les peuples alliés, la personne humaine se dit : AMÉ (âme). Leur territoire originel était le continent MU : terre du mouvement, terre de l’énergie intérieure qui vit. Cette énergie était en constante vibration avec les autres énergies alentour, qui se manifestent de différentes manières. Cette perception était encore une vérité, quand un jour des profanes décidèrent que c’était de l’animisme, que cela n’avait pas de valeur. Par des artifices malins, ils ont convaincu tous les autres qu’ils étaient seuls dépositaires de « la vérité », et les ont emmenés sombrer avec eux dans le matérialisme assassin qui a détruit le monde. Leur « vérité » était une mauvaise interprétation des connaissances historiques, ils ont mal copié, déplacé des concepts, habillés le tout de mensonges et d’inventions, qu’ils ont assénés par la force de la baïonnette, après avoir dépouillé les terres des êtres valeureux qui pouvaient les défendre.

Par toute la terre aujourd’hui, c’est le règne de la matière. Le pouvoir de l’argent a vaincu l’énergie de vie véritable et tous les hommes languissent après le désir inextinguible de possession. C’est la souffrance. Et celle-ci est constamment entretenue par les religions des prophètes et des sauveurs, qui vous expliquent au quotidien que c’est le choix de dieu pour votre destin, votre formation pour son service. Et au soir de votre vie, lorsque vous avez tant accepté ce choix de dieu, vous mourrez sans avoir vécu et c’est le choix de dieu qui vous accueillera dans sa paix éternelle, si jamais vous sortez blanchi du jugement dernier qui aura lieu un jour sans prévenir… inchallah.

Il est impossible à l’homme « moderne » de créer le changement. Lui-même aux prises avec les démons de la possession, se départira difficilement de ses propres envies pour suivre ses convictions. Celles-ci d’ailleurs se meurent au carrefour de la corruption, s’éteignent dans les draps de l’ambition. Les hommes vertueux sont tués ou écartés par leurs proches, lorsqu’ils ne finissent pas par se laisser attraper par les mouches de la réussite « dans » la vie. Au plus profond d’eux pourtant se tient un débat sérieux, sur leurs choix de positions, au détriment de leurs choix de conviction. Les grands hommes ne sont plus ceux qui ont choisi le bien contre le mal, mais ceux qui ont choisi leur bien-être et le malheur des autres. Ce sont eux qu’on célèbre. Sagesse et richesse riment à peine, mais sont incompatibles comme pas deux.

Alors, à dieu soit la Guerre dans son grand amour et par toute la terre souffrons sans rien dire.